Sensibiliser l’opinion publique et nos politiques aux risques/dangers qu’il y a à continuer à laisser les GAFAM à nous espionner et voler toutes nos données (ce qui se passe en general dès lors qu’une appli ou un service est « gratuit »).
Une lettre signée par un collectif de professionnels de l’informatique qui mets en garde nos politiques et citoyens sur ce qui est en train de se mettre en place dans notre dos depuis la Silicon Valley
Sur la forme, ce pourrait être une mini nouvelle qui anticiperai sur notre futur probable (les histoires parlent beaucoup plus au gens que les manifestes politiques). On pourrait éventuellement y rajouter un court épilogue qui ferait le lien avec notre présent et qui conclurait avec un call for action qui reste a définir (pas trop ambitieux pour être concret et actionnable)
Piste : ne vous bradez pas vous-même en confiant tous les détails de votre vie privée contre des applis ou services « gratuits ». Considérez des alternatives aux GAFAM a qui il va falloir donner leur chance (si on veut sortir de ce cauchemar annoncé).
(Disclaimer de Thomas : quand j’écris j’itère bcp, donc les phrases proposées ici sont tres susceptibles de changer/disparaitre ;-)
C’est en me réveillant ce matin que je compris ce qui c’était passé pour moi les jours précédents. Comme un flash, comme une évidence. Un peu comme un lendemain de fête aussi. Sauf qu’il n’y avait eu aucune fête. Aucune invitation. Aucun convive autre que ces algos que l’on oublie mais qui nous écoutent désormais toute la journée a travers nos écrans, nos montres, nos bracelets de running ou nos téléphones. Ils n’oublient jamais rien eux.
Comment avais-je pu en arriver là ? Ce printemps avait pourtant commencée sans histoire. Certes je ne suis pas ce qu’ils appellent un “citoyen modèle”, mais pas non plus un fauteur de trouble. Père de famille aimant et quadragénaire légèrement bedonnant, je suis les règles. Je râle souvent -c’est vrai- mais comme tout bon français, ni plus ni moins.
Avec le recul maintenant j'en suis persuadé, tout a commencé ce soir où nous sommes allés diner chez nos amis Vincent et Sophie ma femme et moi. Il faut dire que nous avions particulièrement bien arrosé notre repas ce soir là, et le niveau sonore plus élevé que d’habitude dans leur appartement avait du déclencher une attention encore plus particulière de leur boitier BiG-Mother-G (plus communément appelée la Mother-box). C'est Sophie qui avait pourtant lancé le sujet en me parlant de mon aspect actuel : "tu n'aurais pas un peu grossi toi d'aillleurs ?" me lança t-elle au moment ou Vincz et moi discutions de la dictature des régimes amincissants dans tous les media a l’approche des vacances d’été. "Moi j'en ai marre de leurs injonctions à maigrir" avais-je répondu. "Et puis ça ne va pas s'arranger d'ailleurs, car j'ai décidé d'arrêter le courir le matin. Depuis que je me suis blessé au genou ça me saoule...j'ai mal partout a chaque fois. Il faudrait sans doute que j'aille voir un osthéo, mais je n'ai vraiment pas le temps en ce moment. Ce boulot me tue à petit feu".
Parler aussi ouvertement de sa santé dans un lieu public, certains illuminés commencaient à expliquer sur le cloud à quel point c'était imprudent rapport aux investissements massifs de BiG-Mother-G dans les assurances et la banque. Mais nous étions chez nos amis, et j'étais vraiment persuadé que tout ceci allait rester entre-nous malgré la passion de Sophie pour les réseaux sociaux et son penchant pour les selfies à tout bout de champs. A part scruter ses likes compulsivement sur son écran, elle n'avait rien fait de tel ce soir-là, du moins c'est ce dont je me souvenais. Mais peut-être ne la voyais-je plus faire à force. Serait-il possible que l'usure du quotidien ne touche pas uniquement le travail ou la vie de couple, mais aussi notre capacité d'observation et de discernement ? Je m’étais attendu -au pire- à recevoir une tonne de pubs et de spams pour des produits protéinés ou des mixtures amincissantes pendant un bon mois sur tous mes écrans. Mais rien de tout ce qui s'ensuivit les jours d'après.
Je n'ai d'ailleurs pas vu arriver le tout premier mail de mon assureur le surlendemain, occupé commme je l’étais au boulot à cette période, l'algorithme de mon Mother-mail qui trie pour moi les spams ou les mails en fonctions de mes priorités n’avait pas jugé opportun de me le pousser dans mon fil d’actualité personnalisé. C’est ma femme qui m’averti en premier, et ce de manière complètement inattendue.
Très excitée par le fait que nous ayons réservé une maison de location en Espagne pendant une semaine pour fêter -en famille- ses 40 ans, elle allait et revenait sur le site sur lequel nous avions trouvés la maison pour y voir et revoir les photos de cette belle demeure. Contrairement à la plupart de mes collègues, nous n’avions jamais eu l’occasion de louer un endroit en famille pour les vacances. Trop cher, trop d’organisation. C’était donc tout nouveau pour nous, et même déjà assez excitant. En revenant sans cesse sur le site pour consulter ces photos, Noëlla se « projetait » comme elle me le disait tous les soirs depuis quinze jours. J’étais au boulot lorsqu’elle m’appela, la voix toute tremblante : « Chéri, on a un problème : la maison est à nouveau disponible sur leur site pour notre semaine ! ... T’es sûr que tu a eu une confirmation de réservation ?!? Sûr, sûr ? ». En même temps que je la rassurais en lui disant que je me chargeais de vérifier ça, je consultais mon compte sur leur site depuis mon écran du boulot. « Chérie ? Je te rappelle ! ».
"Ecoutez il doit y avoir une erreur" avais-je expliqué quelques minutes plus tard au chat-bot du site web de location "car j'ai déjà eu une confirmation pour cette maison pour la premiere semaine de Juillet. Comment est-ce possible que ma réservation ait pu sauter aussi près de notre date de départ ?". A ce moment là, j’espérais vraiment qu’une opératrice ou un opérateur humain ait pris la suite de cette discussion démarrée avec cet automate textuel de leur hotline. C’est en général ce qui arrive quand une demande sort des cas les plus fréquents, et c’est semble t-il se que se produisit si j’en crois la teneur du language du chat-bot qui commençait a être un peu plus soutenue : « M. K, il semble que vous soyez désormais dans l’incapacité de pouvoir réserver sur notre plate-forme. Vous venez en effet de passer dans notre fichier des consommateurs non assurables. Nous allons vous re-créditer les arrhes versés, et vous suggérons de vous rediriger vers votre broker d’assurance pour voir ce qui c’est passé avec eux. La compagnie des vacances paisibles et moi même vous souhaitons une excellente journée dans l’attente de voir revoir très prochainement. Auriez-vous l’amabilité de répondre a notre rapide questionnaire de satisfaction pour que nous puissions ... ». A la fois furieux et inquiet, je fermai immédiatement, et en jurant, mon Mother-navigateur comme seule forme de réponse. Je commençais immédiatement a chercher si j’avais reçu la moindre notification de mon concentrateur d’assurances les jours précédents.
L’accès aux messages filtrés d’office par mon Mother-mail étant peu évident dans leur nouvelle interface (leur algo réputé parfait, cette option n’était pas censée servir après tout), il me fallu quelques minutes pour retrouver le mail envoyé par mon assureur quelque jours plus tôt. Celui-ci m’expliquait : « dans la mesure où nous manquons cruellement d’informations sur votre état de santé actuel suite aux nombreux manques de port du bracelet de notre partenaire nike-happiness(TM) durant vos nuits ou pendant vos activités sportives depuis 6 mois, nous sommes au regret de vous informer que l’ensemble de vos contrats d’assurances vient d’être dénoncé comme nous autorise désormais à le faire la clause 342b des nouvelles conditions d’utilisation générales de FB-insurance corporation que vous avez acceptées (dernière mise a jour le 1er avril 2023).
Nous vous confirmons que vous n’êtes plus assuré et appartenez désormais à la catégorie internationale des consommateurs non-fiables. Nous vous recommandons donc vivement de contacter les services d’états adéquats pour vous déclarer vous même en tant que tel auprès de leur services (ce que la CNIL ne nous autorise pas a faire pour vous) et vous enquérir des démarches a suivre dans votre condition. »
C’est en état d’apnée que je fini la lecture de ce mail. Paria des compagnies d’assurance... jamais je n’aurais cru possible de me retrouver dans une telle situation. C’était désormais officiel : j’étais dans une merde noire.
La respiration de plus en plus haletante, je vérifiais en jurant dans la foulée -et sous l’oeil de plus en plus interloqué de mes collègues aux alentours- chacun de mes mails pour y déceler d’autres catastrophes. J’avais reçu plus d’une soixantaine de nouveaux mails depuis ce matin, et le moins que l’on puisse dire est que je ne fut pas déçu...
« Important ! Prenez contact avec la préfecture de police de votre département ».
Rien qu’au titre de ce mail, ça partait plutôt mal. Le contenu était bien a la hauteur de l’annonce : « Nos services viennent d’être notifiés de votre appartenance à la liste noire d’un de nos fournisseurs « assurance et liberté » comme « consommateur à risque ». Après quelques recherches et étude de votre dossier sur la base des informations récupérées pour les derniers mois, il s’avère que nous ne pouvons prendre le risque de maintenir la validité de votre permis de conduire délivré initialement le 5 novembre 1998 à Paris. Par conséquent, votre permis actuel n’est plus valide a partir d’aujourd’hui et il vous faut désormais prendre un rendez-vous avec les médecins agréés de la prefecture de police de votre département pour pouvoir renouveler la validité de celui-ci (en fonction des résultats des tests de santé qui vous seront demandés de réaliser et des informations collectées ces derniers mois sur votre Mother-Phone). D’ici là, il vous est désormais interdit de conduire. Veuillez agréer, monsieur, l’expression de ... ».
Je n’allais rien agréer du tout Monsieur la préfecture ! Allons bon, maintenant on me retirait mon permis. Un veritable cauchemar... Après avoir lu ce mail officiel de la préfecture de police deux fois pour être sur de comprendre les implications de celui-ci, je décidai de rappeler ma femme mais en m’isolant un peu plus de mes collègues cette fois. J’étais tellement stressé a ce moment-là, que j’en oubliais le fait que mon Mother-phone était sans doute aussi en train d’écouter tout ce que je lui racontais. Dans mon état actuel de toute façon, j’étais incapable de penser aux conséquences sur mon rating de consommateur ainsi que sur les montants annuellement mis a jour par ma compagnie d’assurance sur la base de toutes mes datas. De toute façon je n’étais même plus assurable, alors...
« Chérie ? Je suis dans la merde ! Je ne suis plus assuré sur rien. Je ne suis même plus assurable apparemment ! Pire, contrairement a ce qu’ils racontent avec leurs histoires de CNIL etc, il semblerait que les services de police aient été notifiés de mon « comportement à risque » par une de leurs apps « partenaires » que j’utilise, ou parce que je fais désormais partie d’une liste noire assurance. Bref. Mon permis n’est plus valable et je ne suis plus assuré sur rien. Comment va t-on faire ?!? »
« Calme-toi moi amour, il y a sans doute une erreur. As-tu pu vérifier pour nos vacances comme je te l’avais demandé ? » (...)
J’avais bien fait de m’isoler de mes collègues. La violence de ma réaction sembla faire vibrer les murs de la salle de réunion dans laquelle je m’étais réfugié pour passer cet appel. « Mais de quoi tu me parles ?!? Je te dis que je ne suis plus assuré nulle part, qu’on vient de me retirer mon permis et de me mettre sur une liste noire des consommateurs non fiables et tout ce que tu trouves a dire c’est où en est cette foutue réservation de maison pour nos vacances ? T’es sérieuse ?!? ... Et puis comment je vais faire pour aller chercher les enfants après le boulot si je n’ai plus le droit de conduire la voiture ? » Elle attendit que le silence soit bien installé entre nous après ma réaction épidermique avant de reprendre la parole. Elle savait maitriser ce timing comme personne. J’étais comme un petit garçon qui attendait la suite, accroché à ce qu’elle allait me dire. Elle pris la parole calmement : « Ecoute chéri, on va regarder ça ce soir tranquillement tous les deux. D’ici là, tu prends la voiture, tu vas chercher les enfants chez la nounou comme si de rien n’était. Et cette fois-ci tu vas conduire en faisant encore plus attention que d’habitude. Il ne t’es jamais rien arrivé au volant depuis que je te connais, ce serait quand meme incroyable que tu ai un accident aujourd’hui, non ? Ok, tu rentres à la maison et on en reparle. D’accord chéri ? (...) Chéri : c’est d’accord ? »
Elle avait réussi a me calmer et me faire respirer un court instant. Je repassai rapidement par mon bureau pour prendre ma veste et mes clés, et me dirigeai a toute vitesse vers ma voiture pour aller chercher les enfants. Beaucoup plus tôt que d’habitude. Avant le gros des bouchons.
D’ordinaire prudent au volant, je m’empressai maintenant de rejoindre au plus vite la crèche où se trouvait notre petit dernier. Il faut dire que l’absence de bouchon à cette heure me permit d’aller beaucoup plus vite qu’à l’accoutumée. Ces boulevards d’habitude complètement congestionnés présentaient cette fois un visage inédit : vides et silencieux. J’étais comme sur un circuit de jeu vidéo sur lequel j’effectuais mon dernier tour juste après avoir semé tout le monde; je me projetais déjà dans la prochaine course. Qu’allais-je devenir sans aucune assurance dans notre société de plus en plus frileuse (et de moins en moins solidaire) ? Si je n’étais plus couvert en cas d’accident au volant, comment allais-je pouvoir aller au travail tous les jours avec ces 1h30 de transport en commun à l’aller et la même chose pour le retour ? Quelle connerie : à vol d’oiseau ou en voiture c’était tellement plus rapide, mais avec toutes ces correspondances... comment allions-nous nous organiser ma femme et moi même pour concilier notre vie de famille et notre travail ? C’est en réfléchissant à cette dernière question que je perdis ma course. Le camion me percuta de pleins fouet par la gauche, laissant tout juste le temps a mon airbag latéral de se gonfler, et de m’envoyer une telle décharge d’énergie que je perdis connaissance avant même que mon véhicule ne s’arrête de virevolter sur l’asphalte.
(à suivre)
NOTE : le terme BiG-MOTHER-G fait référence au terme Big Mother proposé par Philippe Vion-Dury dans son essai intitulé « La nouvelle servitude volontaire » pour remplacer le Big Brother de George Orwell. Certains pourront y reconnaitre un moteur de recherche bien connu qui commence a s'occuper de tout pour nous (information, videos, GPS et guidage de voitures, mails, cloud- donc nos data, santé, assurance, ....).
- La nouvelle servitude volontaire, enquête sur le projet politique de la Silicon Valley (Philippe Vion-Dury) https://livre.fnac.com/a9881308/Philippe-Vion-Dury-La-nouvelle-servitude-volontaire
- S.O.S Bonheur (Griffo - Van Hamme) https://www.dupuis.com/s-o-s-bonheur-integrale/bd/s-o-s-bonheur-integrale-s-o-s-bonheur-edition-integrale/2411
- Black mirror (série TV): https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Black_Mirror_(série_télévisée)
- Dernières nouvelles du futur (Patrice Franceschi) https://www.grasset.fr/dernieres-nouvelles-du-futur-9782246815037
Draft pour les événements ? - Arrêt du jogging - Discussion chez des amis équipés d’une google box. - Plus assuré par son assureur pour comportement a risque détecté - Blacklisté pour les reservations de vacances - Augmentation subite du taux pour le prêt étudiante de son fils. - Paiement pour une reservation de vacances qui ne passe pas. - Suspension automatique de permis jusqu’à prochaine visite médicale par google device. - Accident de la route -> paies toute sa vie.
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